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Roman : «Sirène de la Nuit» de Lobé Ndiaye: Entre misère sociale et quête de soi  

Rédigé par leral.net le Vendredi 12 Mars 2021 à 23:06 | | 0 commentaire(s)|

Dans son dernier roman, l’auteure et réalisatrice, Lobé Ndiaye, dépeint Aminata, une femme d’un milieu social modeste dont la quête permanente du bonheur va accoucher d’une montagne d’illusions, malgré les bourgeons de l’espoir suscité par son union avec Aladji Faty. «Sirène de la nuit» pose un regard cru sur la société sénégalaise avec son cortège […]

Dans son dernier roman, l’auteure et réalisatrice, Lobé Ndiaye, dépeint Aminata, une femme d’un milieu social modeste dont la quête permanente du bonheur va accoucher d’une montagne d’illusions, malgré les bourgeons de l’espoir suscité par son union avec Aladji Faty. «Sirène de la nuit» pose un regard cru sur la société sénégalaise avec son cortège de violences et de souffrance.

Un sentiment presque unanime s’empare de tout lecteur quand il tourne la dernière page du roman de Lobé Ndiaye : la simplicité du style. «Sirène de la nuit», paru aux Éditions Les impliqués éditeur, doit toute sa beauté à sa simplicité. Cette œuvre donne raison au pianiste et compositeur romantique polonais, Frédéric Chopin, pour qui «la simplicité est la réussite absolue ; elle émerge comme une récompense venant couronner l’art». La simplicité, c’est aussi cette élégance spirituelle hors de portée de beaucoup d’âmes. Lobé Ndiaye a réussi à faire simple, en proposant un roman dont tout se résume en une soixantaine de pages et douze chapitres. Elle est vite allée à l’essentiel sans ménager le discours descriptif. L’on se réjouit d’une certaine fluidité dans le jeu de la transition ; des phrases courtes et des figures de style bien choisies, installant le lecteur dans un certain confort. Même si ce roman ne nous apprend rien sur nos vices, nos maux et nos espoirs, il a le mérite de mettre en scène, avec une parfaite maîtrise, le quotidien de nos concitoyens dans une métropole qui peut s’identifier à toutes les autres capitales africaines (quartiers résidentiels, lieux huppés, ghettos). «Sirène de nuit» est un conte urbain qui rencontre les problèmes qui minent la société : violence, pauvreté, promiscuité, inceste, chômage, drogue, problème d’éducation… C’est un regard cru que l’auteure pose sur la société sénégalaise.

Pour le professeur Amadou Ly de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop, qui a préfacé ce roman, ce livre «évoque toute la sensibilité aux faits sociaux, aux grandes questions sociétales qui interpelle les citoyennetés et citoyens, sans quoi il n’y a pas de créations littéraires».

Débauche

Dans ce roman, la trajectoire d’Aminata renvoie parfois à certaines filles issues de familles défavorisées dont le seul rêve est d’émerger de la pauvreté, et tous les moyens sont bons pour y arriver. Lobé Ndiaye commence, pour camper le décor, par une description du spectacle cruel qui gagne nos quartiers après le passage de la pluie : «La ville grelotte après une pluie diluvienne qui s’est déversée sur elle. Les eaux remplissent les rues ainsi que les égouts. Certains animaux, chats, rats, souris ont péri. La route, ruisselante, accueille les premiers ouvriers qui s’affairent à réparer les réseaux de canalisation afin de pouvoir évacuer assez vite les eaux…». Chez Aminata, en l’absence de son papa Yérim, monogame, père de neuf enfants, l’eau est rentrée dans la maison et tous les bagages de la maison sont détrempés.

C’est dans cette baraque de fortune que la fille, à la beauté majestueuse (Néfertiti, une déesse de la beauté), est condamnée à vivre avec ses frères et sa mère Mouni. Celle-ci est obligée de vendre des condiments tous les jours au marché pour entretenir la famille, depuis que son mari Yérim, gardien dans une entreprise de recyclage, a pris sa retraite. Si son frère Karim se procure de la drogue, Aminata, elle, essaye d’entrer dans le milieu de la haute couture avec l’aide de Janine Tounkara, qui a déjà un parcours professionnel très riche dans le domaine. Elle fera d’ailleurs découvrir à la jeune dame «la face cachée de la ville la nuit, les boites de nuit huppées», bref la belle vie. Aminata est tentée par la débauche, en acceptant l’argent facile. Elle finit par entretenir une relation avec Aladji Fati, le mari de Janine Tounkara qui l’épousera plus tard à tout prix. Janine est larguée pour les beaux yeux d’Aminata. Elle finit par quitter son ménage. Mais le mariage entre M. Fati et la jeune fille, sans le consentement des parents de cette dernière, marque le début d’une série de désillusions.

Des personnages victimes de la ville

Licencié à Auto Sénégal où il est contremaître, le vieux Aladji devient un ivrogne et quitte définitivement la maison pour la rue. Aminata se retrouve dans la pauvreté, seule avec ses deux enfants. Son fils aîné, Moulay Fati, est contraint d’arrêter les études, en classe de terminale, pour aider sa mère. Pendant ce temps, sa sœur Sarata, engrossée par un père ivrogne, échappe de justesse à la mort, en donnant naissance à un bébé mort-né. Elle retrouve le goût à la vie en épousant son professeur Djibril Sall. Aminata, après de longues années, retrouve ses parents qui ont accepté de lui ouvrir les portes de leur baraque de fortune. Le bonheur de ces retrouvailles chasse ses «jours d’égarement» et ses «nuits troubles». Le roman de Lobé Ndiaye dresse des portraits de personnage victimes de la ville, de la vie, d’un système. Il dépeint des familles disloquées par la pauvreté, l’alcool, l’inceste, l’absence de repères solides. Le triomphe précaire d’une société matérialiste. Dans cet univers effervescent, sens dessus dessous, il convoque des noms de personnages historiques pour ne pas dire modèles, pour baptiser les rues et édifices de cette ville fictive. Parmi ces héros et héroïnes figurent : Albouri Ndiaye, Steve Biko, Thomas Sankara et mère Theresa.

Lobé Ndiaye a réalisé près de 26 courts-métrages documentaires co-produits par le Conseil international des radios et télévisions francophones. Son deuxième roman «Une perle en éclats» a reçu le grand prix littéraire Dada Gbéhanzin du Bénin.

Ibrahima BA  



Source : http://lesoleil.sn/roman-sirene-de-la-nuit-de-lobe...